Homélie du Jeudi saint
« Si donc moi le Seigneur et le maître je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous lavez les pieds les uns aux autres. »
Les journées saintes le jeudi, le vendredi et le samedi sont comme une classe préparatoire pour nous préparer comme pour un marathon à nous réconcilier avec Dieu et avec notre prochain, avec nos frères et sœurs.
Bien sûr on accueille les catéchumènes qui demandent le baptême et aussi nous nous ré-accueillons, nous nous accueillons de nouveau en frères et sœurs. Nous renouvelons notre communauté, notre fraternité avec tous les participants à ce repas eucharistique. Donc en étant, ici, au centre de l'église, dans la nef, vous remarquez que la perspective est complètement différente. On voit que au milieu de l'assemblée, cet autel, l'espace liturgique, est un peu bousculé mais c'est pour nous aider à prendre conscience que quand je viens à la messe communier, à la fois je me réconcilie avec Dieu et aussi j'ai le devoir de me réconcilier avec mon prochain. Il y a deux pans dans la réconciliation. Alors vous me direz : monsieur l'Abbé, c'est le bon sens ! On a part à la même table eucharistique, on est des invités.
Imaginez que ce soir à ce repas mémorial, d'un seul coup surgissent nos incompréhensions, nos différences, nos étourderies, nos maladresses en plein repas. Ce serait plutôt étrange. Mais frères et sœurs peut-être que certainement dans nos vies, nous avons déjà ressenti comme un sentiment de malaise ou une situation inconfortable quand on sent que les participants à une même table ont malheureusement un différent, une division.. et on le sent de manière pas forcément ostentatoire mais aussi indirecte. Et je trouve que Judas prend une place importante dans ce Triduum pascal, incarne ce risque de division parce que Judas par son acte, se coupe de Dieu le Père et se coupe des autres disciples et malheureusement cela le mène dans une impasse mortifère alors bien sûr que les disciples eux-mêmes sont différents, ils se sont déjà disputés. Et la réconciliation avec Dieu et avec son prochain n'est pas facile, il faut la rechercher continuellement. Regardez la première lecture, dans cet épisode de l'Exode, on nous invite à manger la ceinture aux reins, des sandales aux pieds et la bâton à la mais. Finalement quand je participe à la table eucharistique, je suis comme un pèlerin en marche, en quête de réconciliation avec Dieu et avec mon prochain.
Que dois-je quitter pour me mettre en réconciliation, pour me mettre en route ? Peut-être mon confort, mes déceptions, mes certitudes, mes préjugés, mes rancunes, mon orgueil, mes peurs aussi, mes ambitions peut-être de pouvoir. Il y a toujours quelque chose à quitter pour chercher la réconciliation.
Dans la 2ème lecture, saint Paul écrit : « Faites cela en mémoire de moi ». Vous connaissez bien cette phrase puisque le célébrant la reprend. Oui célébrez la mémoire de la messe, bien sûr c'est un devoir. Vous venez rencontrer le Christ ressuscité qui est au beau milieu de nous et aussi cela nous engage à faire corps avec nos frères et sœurs autour de la table comme dans cette église. C'est pour cela que l'autel est ici au milieu de la nef pour montrer qu'on fait corps, qu'on est invité à la même table, on est dans une même Unité. Donc participer à la messe est un devoir de rencontre mais aussi de rencontre de mon prochain. Je vais m'engager à aimer mon prochain. Donc un devoir de revenir à Dieu mais aussi vers son prochain avec l'aide de l'Esprit-Saint bien sûr. Les expressions dans l’Évangile de saint Jean sont fortes : « vous devez ». Jésus n'y va pas par quatre chemins, il utilise un style grammatical qui relève presque de l'impératif. C'est pour nous aider à prendre conscience du devoir de charité : tu communies à mon corps ressuscité nous dit Jésus et bien tu communies au devoir de laver les pieds de ton prochain.
Pas évident de se laver les pieds, nous ne sommes pas en Palestine, nous n'avons pas les pieds noirs de poussière. Alors comment se laver les pieds ? Comment savoir ce qui est bon pour l'autre ? Comment va-t-il le prendre ? Comment va-t-il accepter mais c'est mon devoir. Avant de mourir, Jésus nous donne comme un testament que l'on peut résumer comme un testament d'amour. Quand on communie à la table eucharistique, on devient redevable de l'amour, quand on communie à l'amour de Dieu, on se doit de le rendre aux autres, on devient débiteur de l'amour de Dieu. Notre première obsession, quoi qu'il nous en coûte c'est d'être serviteur de notre prochain avec l'aide du Seigneur.
Je conclurai par cette prière : Jésus nous accueillons te dernières volontés, tu nous demandes d'aimer et de servir comme tu l'as fait par ton corps auquel nous communions. Donne-nous la force d'aimer avec ton cœur et de servir en donnant notre vie. Amen
abbé Benjamin Sellier
Homélie du Vendredi saint
Tout est accompli, tout est achevé, tout est réalisé au plus degré, terminé de manière parfaite.
On pourrait croire en ce Vendredi saint que tout est terminé : le Christ est mort après ce déferlement de violence contre lui alors qu'il n'était pas armé. Mais ce Vendredi Saint met en haut du podium la Croix. C'est le trône du règne de l'amour dans sa force désarmée et désarmante. La Croix est le trophée de la victoire du Christ. C'est pour cela qu'elle est notre signe distinctif, elle est notre marque de fabrique, notre i-den-ti-té. Laissons trôner dans notre vie, dans nos lieux de vie, des crucifix, en pendentif, dans nos maisons et ailleurs...
Mais cette croix est plus qu'un bijou, un accessoire ou une décoration, elle est le triomphe de l'amour désarmé, désarmant. Et ce triomphe, ce trophée de victoire, Jésus veut nous le partager il veut nous en donner la visée et le but ultime au cœur de nos vendredis saints personnels, dans nos vies connaissant aussi les épreuves terribles, les éléments extérieurs et hostiles qui déferlent chez nous, contre nous. Comme Jésus a été confronté à de violentes injustices, nous aussi nous pouvons énumérer les injustices qui viennent nous frapper, nous tourmenter. On peut citer par exemple les guerres dans le monde, l'actualité grave et instable, faite d'incertitudes qui ont engendré des conflits mondiaux qui paraissent sans fin, des violences au quotidien. Nous pouvons énumérer aussi des injustices plus personnelles, comme la maladie, la perte de travail, la mort d'un proche, les discordes, les divisions, les accidents etc... Malgré tout le Christ est au cœur de ces déchirements, de ces injustices violentes voire maléfiques. « Ma victoire je vous la donne » dit le Christ. Même quand nous sommes éprouvés, nous pouvons retrouver goût à la vie éternelle en ayant cette croix victorieuse au cœur de nos pensés et nos prières car rien n'est impossible à Dieu. Il est notre modèle ce Christ plein de confiance et d'amour jusqu'au bout. Alors dans nos calvaires personnels, laissons habiter ce Christ victorieux en nous. Gardons notre foi, car cette croix victorieuse viendra transfigurer nos infâmes épreuves. Alors pas facile de vénérer cette croix victorieuse, comme pour acclamer que nos calvaires n'auront pas le dernier mot. Garder la foi comme le Christ l'a fait, c'est un combat, c'est vrai que ce n'est pas facile de garder confiance jusqu'au bout. D'autant plus que notre environnement, notre monde ne met pas en avant la confiance, l'espérance ; quand on voit que la question de la fin de vie se pose en la question de l'aide active à mourir.
Mais le Christ a soif de vouloir nous partager sa victoire et son humilité parfaire. La lecture de La Passion ce soir nous montre plutôt un Christ qui donne sa vie, personne ne la lui prend. C'est lui le victorieux parce qu'il montre qu'il maitrise les dialogues. Sa victoire est là dans les détails par exemple quand il dit au soldat qui le cherchent « c'est moi » et voilà que les soldats reculent et chutent, tombent. Ou encore Jésus qui pense aux autres « laissez-les partir » ou encore « moi j'ai parlé ouvertement sans cachette » « pourquoi me frappes-tu ? » « dis-tu cela de toi-même ou on te l'a rapporté ? » ou encore « ma royauté n'est pas de ce monde. » et enfin au sommet de tout, trois fois l'expression de Pilate qui semble désarmé. « je ne trouve en lui aucun motif de condamnation ». Donc en plus d'être cette croix manifestation d'amour désarmé et désarmante, elle est source de vie finalement. On voit que Jésus est déjà victorieux par le dialogue et on voit que la vie commence à naître au fil de cette croix. Il y a des personnages au pied de cette croix. « Femme, voici ton fils » et au disciple « voici ta mère. ». Ceux-sont les propos de Jésus sur cette croix et finalement ces personnages au pied de la croix incarnent le début de notre Église avec Marie comme mère, accompagnatrice modèle et nous on pouvait être ce disciple qu'il aimait au pied de la croix.
Donc je rends grâce pour toute cette dévotion à notre Mère, à Marie, à chaque fois que l'on prie le chapelet. Le chapelet qui nous permet d'être en communion avec ceux qui souffrent, ceux qui sont dans l'épreuve, quand on prie le chemin de croix, ou encore ceux qui accompagnent, rendons grâce aux visites des malades, ceux qui soutiennent leur conjoint ou leur proche dans la maladie et surtout dans une fidélité inébranlable : la vie ne paraît s'arrêter, il y a un après, une issue, une espérance possible dans le Vendredi saint.
Frères et sœurs, en conclusion, la vie ne s'est pas arrêtée au pied de la croix, elle commence et recommence et continuera à jamais.
Abbé Benjamin Sellier
Homélie du dimanche de Pâques
Le premier jour de la semaine Marie-Madeleine se rend au tombeau de bon matin. Nous avons laissé Marie-Madeleine vendredi soir au pied de la croix où Jésus était en train de mourir. On comprend ses pleurs, elle était très attachée à ce Jésus qui l'avait libéré des 7 démons qui l'emprisonnaient. Deux nuits se sont passées ainsi que le sabbat pendant lequel elle ne pouvait se déplacer. Sans doute n'a-t-elle pas pu beaucoup dormir, sûrement, elle était tellement tracassée par tout ce qui s'était passé : ce Jésus qu'elle aimait....
Elle est surprise de voir que la pierre a bougé. Mais que voit-elle dans le tombeau ? Rien. Le tombeau est vide. Quel choc ! Mais que s'est-il passé ? Elle court prévenir Pierre et Jean de sa stupéfaction : « on a enlevé le Seigneur de son tombeau et nous ne savons pas où on l'a déposé. » Quand Pierre arrive au tombeau, même constatation : le tombeau est vide, seuls quelques linges et le suaire sont là.
C'est la première fois dans l'Évangile de saint Jean que l'évangéliste nous donne une précision de jour : c'était le premier jour de la semaine, et une précision du moment : c'était de grand matin, il faisait encore sombre. Cela nous laisse entrevoir un événement majeur à retenir... ce n'est que la constatation d'un vide.
Jean à son tour arrive au tombeau, il entre, il vit et il crut. Que voit-il ? Rien. Rien de plus que Pierre et que Marie-Madeleine. Cependant pour lui qui est le chantre de l'amour, l'ami intime, celui dont les écrits nous font découvrir qu'il comprenait Jésus, j'oserai dire, mieux que les autres certainement mais il le comprenait de l'intérieur. Le rien qu'il a vu déclenche sa foi. Il crut. Qu'a-t-il cru ? Que ce vide, ce rien, cette absence révélait une présence.
Jésus n'est pas resté dans la mort, l'amour est plus fort que la mort, il est là mystérieusement présent. Et c'est là aussi notre foi. Nous ne voyons rien avec nos yeux de chair, nous découvrons que l'amour n'a pas besoin de grands signes pour éveiller notre foi. L'évangéliste a bien raison de nous préciser que c'est le premier jour de la semaine. Pour nous désormais chaque dimanche c'est le jour de la résurrection et tous les riens, tous les signes apparemment insignifiants de nos vies révèlent sa présence au-delà de l'absence.
Peut-il y avoir événement plus important dans toute l'histoire humaine ? Jamais cela ne pourra être prouvé bien sûr. Où se trouverait notre foi ? Elle n'existerait plus. Mais nous croyons en Jésus vivant et c'est toute notre vie qui en est ressuscitée !
Abbé Pierre Héliot