Le soignant chrétien au service de la Vie ?

Dimanche 12 février, dimanche de la santé, des paroissiens ont témoigné de leur quotidien de soignant chrétien.

Aude, infirmière et Rémy, pharmacien ont accepté de témoigner de leur quotidien de soignant en répondant à la question : ""Dans ma profession, comment suis-je au service de la Vie?"

      "Infirmière depuis maintenant 11 ans, je ne pense pas que l’on devienne soignant par hasard. Pour l’anecdote, j’ai toujours voulu soigner depuis toute petite, que ce soit les humains ou les animaux, dentiste ou aide soignante, et beaucoup d’autres encore. Et puis au lycée, et avec la maturité qui s’installe doucement, c’est le métier d’infirmière qui s’est imposé à moi, et non l’inverse. 
       Je travaille dans un des services de soins de notre petit hôpital de proximité d’Avesnes, et je me plais à servir la vie chaque jour. Soigner et servir la vie vont de paire pour moi.
       Alors, soigner c’est vague. On peut soigner de bien des façons et je pense même qu’il y a autant de façons de soigner qu’il y a de vies sur terre. Dans mon métier, il y a en faisant un pansement ou en posant des perfusions par exemple. Mais il n’y a pas que ça, il n’y a pas que le geste en lui même ou le soin technique. Il y a également le fait de prendre soin de la personne et de sa vie.
       Prendre soin de la vie de quelqu’un est à double sens pour moi. Effectivement, je vais essayer, avec les autres membres de l’équipe, de préserver ses fonctions vitales, mais également de prendre soin de sa vie, au delà de l’aspect mécanique du corps humain.
       Nous accueillons beaucoup de patients différents dans notre service, nous côtoyons la maladie au quotidien, de tous types, chronique, dégénératives, … Quand un patient arrive chez nous, il est souvent mal à l’aise, perdu, triste ou en colère. Certains veulent guérir, d’autres au contraire veulent mourir et nous le font clairement savoir. D’autres n’ont plus la capacité de savoir pourquoi ils sont là et n’attendent rien.
      Ma première façon de les aider et de respecter toutes ces personnes quelqu’elles soient, ainsi que leurs choix et leurs croyances. Le respect n’est pas toujours mutuel, mais ils ont tous des chemins de vie différents. On va prendre soin de leur vie, à chacun d’entre eux. Tous les jours, nous vivons des moments très intimes avec nos patients, intrusifs même, et on ne peut pas prendre soin d’eux si on est indifférent. J’aime m’asseoir près des patients durant un soin et de parler de tout autre chose, de tout ce qu’ils voudront bien m’offrir de leur histoire, de leur tenir la main ou tout simple être présent avec eux et pour eux à ce moment précis. Il est vrai que l’on a toujours une multitude de choses à penser et à faire en tant qu’infirmière, mais ces moments de soins même rapides, sont l’essence même de notre métier.
         Prendre soin de leur vie, c’est aussi prendre soin de leurs familles, elles en font partie. Elles sont des alliées de taille dans la maladie.
        Pas facile non plus de servir la vie, quand on sait que l’on soigne des personnes en fin de vie. C’est un terme qui est beaucoup utilisé dans le milieu médical. Et pourtant, pour moi, il n’y a pas de « fin » de vie. Quand le cœur ne bat plus, la dignité, le respect et l’amour de l’autre ne s’arrêtent pas, la détresse des familles non plus.
        Avec les années qui passent, ma mission de soignante ne se résume plus qu’à mon travail ou mon métier, cela fait partie de moi. Soignant un jour, soignant toujours.
           Alors bien sûr, je fais des erreurs. Je ne suis pas toujours celle qu’il faudrait que je sois. Dieu nous met à l’épreuve car chaque situation est différente et mérite notre plein dévouement pour pouvoir toujours mieux servir la vie."                                                         
                   Aude Marchal

 

              "La question peut, de prime abord, sembler appeler une réponse lapidaire : C’est l’essence même du soin que de servir la vie. Ce service, c’est essentiellement ce qui défini le soignant : rétablir et redresser les processus biologiques, accompagner la personne qui souffre, soulager le mal-être du patient. Tout cela je l’ai appris en théorie sur les bancs de la faculté et je l’ai perfectionné par l’expérience au chevet du malade.
               Pourtant, si je devais définir ma formation de soignant, je ne pourrais taire qu’une grande partie de l’art que j’exerce, je l’ai appris comme disciple de Jésus-Christ. Je vous livre trois morceaux de témoignage de ce qu’avoir Dieu comme boussole change dans le service de la vie.
               Premièrement, c’est assurément votre exemple, frères et sœurs en Jésus qui me fait connaître véritablement la charité. Cet amour de l’autre si essentiel à nos métiers et qui circule entre vous je l’ai découvert lors de ma conversion et je le redécouvre encore aujourd’hui avec toujours autant d’enthousiasme. « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres qu’ils reconnaîtront que vous êtes mes disciples » Jn 13-35 dit Jésus et c’est de cette charité surnaturelle que doit naître l’élan du soin. Si je dis surnaturelle c’est que je ne l’ai personnellement pas rencontré ailleurs cet amour qui comme le dit St Paul (1Co13-4) est patient, plein de bonté, n’est pas envieux, ne se vante pas, ne s’enfle pas d’orgueil, ne fait rien de malhonnête, ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, ne soupçonne pas le mal, ne jouit pas du faux, se réjouis du vrai, pardonne tout, croit tout, espère tout et supporte tout. Dans une profession qui repose sur le don, se nourrir de cette communion est, en ce qui me concerne, vital.
               La deuxième chose qui me vient à l’esprit est que le soignant Chrétien est poussé, par l’enseignement des Saints de l’Église à approfondir le service. La psychologie du soin et notre enseignement nous enjoignent à mettre des barrières entre le soignant et le soigné. Ces barrières émotionnelles, psychologiques et physiques volent en éclats dans l’enseignement du Christ. Jésus face à la souffrance, la maladie ou l’espérance de ceux qu’il croise est ému aux entrailles, en grec « splagchnizomai » (Luc 7-13, Jean 11-33, Marc 8-2…), l’ont traduit aussi par ému de compassion. Nous chrétien connaissons encore bien le sens original de la passion, la compassion : « souffrir avec » est assurément la vertu qui change tout dans mon métier. C’est l’aspiration à l’imitation du Christ qui me pousse à vouloir tout donner. C’est l’exemple de Sainte Teresa de Calcutta, de Saint Jean-Paul II et de tant d’autres de nos grands frères dans la foi qui nous font écarter la fatigue et les difficultés.
               Je serai plus rapide sur le troisième point car vous le connaissez tous mieux et depuis plus longtemps que moi : La vie de prière. Confier au Père ceux qui nous sont confiés et, comme le disait Ste Thérèse de Lisieux « toujours prier comme si l’action était inutile et agir comme si la prière était insuffisante ». Cette intercession permanente fait une grande différence dans le service de la vie et plus égoïstement elle me permet aussi de ne pas m’attribuer des mérites qui ne sont pas les miens car je sais que si c’est bien moi qui soigne, c’est Dieu qui guérit.
               Charité, compassion et prière sont trois différences majeures qui existent lorsque le chrétien se met au service de la vie. Jésus qui est pleinement Dieu et pleinement homme ne fait que nous en donner une démonstration totale tout au long des évangiles. Pour le soignant que je suis ces différences mènent à des fruits tout particuliers : la charité nous pousse à la communion, la compassion nous jette dans la passion, la prière nous ramène à l’humilité.
               Si je puis terminer par une supplique particulière ce dimanche : mes frères priez pour ceux qui vous soignent et tout particulièrement pour ceux qui ne croient pas en Dieu. Je vois bien que pour nous qui croyons en Jésus-Christ mort et ressuscité pour chacun d’entre nous les choses sont faciles mais je n’ose imaginer la difficulté qu’ils peuvent éprouver sans partager notre foi et notre espérance.
                 Rémy Pamart

Article publié par Valérie Dupont • Publié le Dimanche 19 février 2023 • 1004 visites

keyboard_arrow_up